
Auteur de la photo illustrant l’article : Yanis Mhamdi, @yanmdi, 1er mai 2022
Nous avons réalisé un entretien avec Stéphane J., militant syndicaliste révolutionnaire de base émérite qui s’est exprimé uniquement en son propre nom et en n’engageant que lui. Il a eu l’amabilité de nous répondre malgré un emploi du temps chargé et le peu de temps dont il disposait. Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité de l’entretien.
Hacking Lord Sutch : Pour commencer, peux-tu te présenter brièvement, ainsi que ta formation et ton parcours militants avant d’être à la retraite ?
Stéphane J. : Je viens d’une petite ville ouvrière de province et ma formation militante s’est surtout faite de façon autodidacte, avec des moments d’accélération tant au niveau des lectures que des expériences vécues. J’ai surtout été militant syndical dans mon secteur (l’éduc), le plus souvent de façon oppositionnelle à l’interne. J’ai aussi participé à la mise en place de squats de migrants ou à la campagne pour le Rojava, etc, rien d’extraordinaire.
H.L.S. : Pourrais-tu nous faire un tableau récapitulatif des luttes sociales et des luttes de salarié-e-s de ces dernières années, et d’après toi, quels étaient leurs points faibles ?
S.J. : Vaste question. N’ayant pas été dans un syndicalisme confédéré je ne suis pas le mieux placé pour une vue d’ensemble. Ce qui m’a frappé, disons, c’est une tendance à l’érosion des bastions de la Fonction publique malgré la permanence des attaques et les réussites des luttes pour les salaires et les conditions de travail, avec des grèves courtes et bien suivies dans les petites boîtes (souvent de la sous-traitance dans ma région) lors des NAO (Négociations annuelles obligatoires), et des grèves longues dans le nettoyage par exemple. Les « retournements » contre la supercherie de l’auto-entrepreneuriat pour gagner un statut de salarié avec les droits afférents sont aussi intéressants.
H.LS. : Tu rappelais dans un de tes posts sur un célèbre réseau social bleu, une citation de Marx qui expliquait que les syndicats doivent être indépendant des partis, car c’est principalement dans la lutte sociale et syndicale que les ouvriers apprennent le socialisme. Je ne souhaite surtout pas m’engager dans cette interview dans le vieux débat entre syndicalisme et autonomie ouvrière, tous deux en partie issus du marxisme, à propos duquel l’anarchiste Mikhaïl Bakounine, lui-même traducteur du Capital de Marx, faisait part de son admiration sur le plan de la critique de l’économie politique, alors qu’il était un adversaire acharné de certaines théories politiques de Marx. Un point me paraît important, et pas seulement parce que je l’aurais lu dans des livres, mais aussi parce que je l’ai vécu dans des luttes, comme le mouvement des chômeurs de 1998-1999, est que cette idée de l’apprentissage du socialisme (pas dans le sens de social-démocratie ni de période de transition du socialisme dit réel, mais de société auto-organisée sans classes ni États) dans les luttes sociales, implique une possibilité de dépassement de revendications très limitées vers une prise de conscience collective qui permet aux personnes engagées dans les luttes d’imaginer et d’envisager une autre forme de société que le capitalisme omniprésent et prétendument indépassable. Cela te paraît-il ou t’a-t-il paru encore palpable dans les luttes ouvrières à notre époque contemporaine, et si cela n’est pas le cas ou reste très limité, quelles en sont, selon toi, les raisons et as-tu une idée d’une éventuelle voie de sortie pour y remédier ? À moins qu’il faille justement ressortir le vieux débat entre syndicalisme et autonomie ouvrière ? (Ce retournement n’avait ni été calculé ni prévu au début de l’écriture de cette question)
S.J. : L’idée de société post-capitaliste est devenue de plus en plus tenue, pas seulement dans les masses, mais même au sein des groupes militants. On parle de lutte, mais peu de révolution, et quand on en parle ça reste souvent avec un imaginaire assez « bolchevique », même chez beaucoup d’anars. L’idée de départ du syndicalisme révolutionnaire c’était justement la double besogne, articuler la défense immédiate avec la préparation de la société sans classes (avec notamment beaucoup de formation et de responsabilisation). Côté espagnol, le dernier livre de Chris Ealham a bien montré comment la C.N.T. des origines développait des lieux de sociabilité indépendants et alternatifs et que c’étaient des points d’appui à son développement. Le niveau d’intégration à la société capitaliste, même d’un point de vue mental, rend difficile la projection d’un horizon au-delà des luttes immédiates, et les orgas ne proposent pas une grande réflexion théorique sur comment les choses s’organiseraient concrètement. Le socialisme, ou le communisme libertaire, c’est devenu quelque-chose de flou, d’abstrait. Quand tu parles d’économie non marchande, de disparition de l’argent, on te regarde souvent comme un extra-terrestre.
H.L.S. : Si on parle de dépassement des revendications initiales, pourquoi ne pas s’autoriser à imaginer une grève générale expropriatrice et un contrôle ouvrier de la production ? Sans rentrer dans les détails des débats sur les différents modes de planifications centralisée ou décentralisée, et quelle place laisser aux initiatives individuelles ou collectives marginales ou non planifiées avec l’aval de tout le groupe dans une société socialiste, une grève générale reconductible ne devrait-elle pas être aussi l’occasion d’engager un débat de fond sur la production, de pourquoi on produit et comment ? Évidemment, en sortant radicalement de la logique réactionnaire et hostile aux pauvres qui inonde les plateaux de télévision et les éditoriaux des magazines de masses bien comme il faut. Tu me diras peut-être que l’on est encore loin de tout ça, mais si la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, autant ne pas s’interdire de rêver tant que l’on est encore libre de le faire.
S.J. : Il y a aussi un problème avec ça. La grève générale expropriatrice est devenue comme un mythe et on tombe parfois dans une tendance à la convergence artificielle, forcée, des luttes pour pouvoir scander de façon incantatoire : grève générale ! Les militants ne décident pas, ne provoquent pas une situation révolutionnaire. Mais l’idée est là, puissante, enracinée depuis plus d’un siècle : le vrai changement se fera dans la lutte au sein même de la production, par le moyen connu de cette lutte : la grève. Ceux qui annoncent la révolution par les urnes sont d’un autre univers politique que nous. Par hypothèse, un vote majoritairement révolutionnaire ne serait que la traduction d’une situation déjà établie. La grève générale, c’est l’étendard « naturel » de notre classe, on n’en connaît pas d’autre. Sur le côté pourquoi et comment on produit on s’engagerait dans une discussion interminable, il faudrait parler des travaux du GIC hollandais ou de l’école du refus du travail, une discussion pour laquelle je n’ai malheureusement pas la disponibilité pour cette fois-ci. Disons juste qu’à chaque fois qu’il y a eu une amorce de révolution sociale, c’était dans un contexte de guerre, et souvent de guerre civile, et qu’à chaque fois il y a eu une baisse de productivité qui a servi de prétexte à la contre-révolution, notamment bureaucratique.
H.L.S. : Sur les réseaux sociaux, nous avons plusieurs fois lu tes interventions à propos des Gilets jaunes, et du célèbre cortège de tête inspiré par les Black blocs qui déclare vouloir s’en prendre aux symboles de la richesse par le vandalisme (comme si les assurances n’existaient pas, par ailleurs…) et qui a été particulièrement actif sous le mandat Hollande pendant le mouvement contre la loi travail… Nous avons cru comprendre que selon toi, il y aurait une insuffisance militante dans ces formes de mobilisation, sans parler du confusionnisme qui a régné pendant la mobilisation des Gilets jaunes, avant que la crise du Covid y mette fin, et que succèdent d’autres luttes aussi confuses, comme les manifs anti-passe et anti-vaccin, où les drapeaux antifascistes côtoyaient les drapeaux d’extrême-droite et les pancartes antisémites à quelques mètres de distance. Ce qui nous a beaucoup amusé étaient les accusations de « mépris de classe » quand des personnes se moquaient des propos pseudoscientifiques hallucinants tenus dans les manifs anti-passe, alors même que plus ou moins souvent, les personnes qui tenaient ces propos étaient des bourgeois, pour ne pas dire des riches. Comme si supposer que les personnes qui tiennent ces propos seraient forcément des pauvres ou des prolos n’était pas en soi du mépris de classe… Peux-tu nous en dire plus sur ton point de vue et sur ton analyse de tout ces nouveaux mouvements qui ont plus brouillé les pistes que fait avancer quoi que ce soit ?
S.J. : On est à la croisée, à la rencontre, du populisme de la France insoumise et du sport de rue en soi de quelques-uns pour avoir fait son petit moment de zbeul, de gloire selfie. Il suffit d’être un peu critique sur les Gilets jaunes ou les antivax, de dire qu’il est problématique d’y côtoyer les fachos sans outil adapté qui permettrait d’y être vraiment autre chose que des supplétifs, pour être taxé de « révolutionnaire de salon ». Il y a forcément eu des disparités géographiques dans le mouvement des Gilets jaunes et je ne dis pas que ma contestation de son caractère prolétarien était le cas partout, mais j’ai vu parfois les mêmes militants qui rechignaient à travailler vers la classe ouvrière parce qu’ils n’avaient pas envie de militer « avec des beaufs » et qu’ils n’étaient pas « des curés rouges », les mêmes donc s’éclater dans un mouvement qui les intéressait surtout parce qu’en l’absence d’encadrement syndical ils se sentaient plus libres. Plus libres pour faire quoi ? Pour avancer quelle revendication ? Le RIC ? Soyons sérieux. Le bougisme et le suivisme dans l’immédiateté « visible » sont des manifestations du vide théorique qui se développe dans le milieu militant comme dans le reste de la société.
H.L.S. : Beaucoup de personnes, parmi lesquelles nous sommes, espèrent qu’un nouveau cycle de luttes sociales suivra la nouvelle élection de Emmanuel Macron. Selon toi, quelles formes devraient prendre ces luttes ?
S.J. : Les luttes il y en a tout le temps, il suffit de regarder pour voir. Si on parle de luttes « d’ampleur » au niveau national, elles sont presque toujours défensives, et l’annonce d’un report de l’âge légal de départ en retraite à 65 ans annonce une bataille décisive, dans ce qui est devenu la mère de toutes les batailles (perdues) de ma génération. Que ce soit dorénavant ou de tout temps, je reste partisan de luttes au maximum autogérées. C’est tout à fait possible dans des luttes locales, c’est beaucoup plus compliqué dans des luttes nationales.
H.L.S. : Il y a beaucoup de luttes pour très peu de visibilité médiatique au niveau des médias de masse. Si on compare avec les siècles précédents, le mouvement ouvrier n’a pratiquement plus aucun média de masse avec une grande audience ni de quotidiens. Quelques expériences alternatives ont émergé sur l’Internet avant d’échouer, comme avec les Indymedia, et avant, il y avait eu le mouvement des radios libres, précédé par celui des radios pirates. Au risque de te poser une colle, à ton avis, comment sortir du monopole des médias et des audiences par quelques milliardaires sans forcément s’en remettre au service public dont on a vu qu’il est aussi bien capable de donner la parole à des charlatans en matière de pseudosciences, que de banaliser les discours de l’extrême-droite, ni s’en remettre à la propriété privée des médias, même plus petite ?
S.J. : C’est un vaste problème en effet. Même nos publications papier sont en difficultés (Le Monde libertaire n’est plus distribué en kiosques, d’autres titres ont disparu ou sont constamment menacés de disparaître). Sans fric, il n’y a guère qu’internet qui semble facile, mais où tout se noie dans le n’importe quoi (même si internet a facilité les liaisons inter-agglos, faut aussi se rappeler ce que c’était avant). A part quelques militants curieux, les gens ne vont pas aller nous lire sur internet. Il faut des outils mais je n’ai pas la solution. C’est un peu annexe, mais il ne faut pas négliger le fait que l’édition militante ne se porte pas trop mal.
H.L.S. : Beaucoup de salarié-e-s sont victimes de contrats précaires et de salariat déguisé avec des statuts bidons d’entrepreneurs, et sans compter plusieurs millions de chômeurs ; comment mobiliser ces personnes qui craignent souvent des représailles patronales ou qui n’ont simplement pas de prise sur la production ?
S.J. : Il y a des secteurs comme les livreurs où les choses ont positivement évolué en termes d’organisation et de capacité de mobilisation. Il est clair que de la même façon que le capitalisme d’État a montré que la forme juridique de la propriété ne devait pas nous berner, le patronat imagine des contournements de la forme juridique du salariat à son avantage. Les TPE restent un champ à travailler plus sérieusement. On ne peut pas aller vers des travailleurs qui bossent dans le même open space que leur patron en ne leur parlant que de la convention collective de branche. Je n’étais pas dans la lutte des chômeurs en 98-99. Il y a une dizaine d’années ou un peu plus on m’a envoyé une brochure sur cette lutte à Arras et je connaissais de bons camarades qui essayaient des choses dans la CGT sur Lyon, des actions un peu spectaculaires. Peut-être que si on y laissait des « gauchistes » investir un segment c’est qu’il était auparavant en friche. J’ai l’impression que c’est difficile d’y construire du solide sur la durée, mais honnêtement je ne maîtrise pas le sujet.
H.L.S. : Il y a-t-il une réelle volonté de la part des grosses centrales syndicales d’engager la lutte sociale sous forme d’une grève générale reconductible sur le thème du front unique ouvrier, ou faudra-t-il les y pousser depuis la base pour les forcer à bouger ?
S.J. : Elles ont montré à chaque fois qu’elles manquaient de détermination pour plusieurs raisons, notamment à vouloir à tout prix des arcs unitaires larges avec les plus mous, qui chutaient sur des agendas minimalistes : la journée de mobilisation hebdomadaire. On devait se démerder pour entraîner un maximum de collègues dans la reconduction entre les deux journées, l’articulation était toujours compliquée, et le devenait de plus en plus dans la durée. Les efforts des militants des « gauches syndicales » aident, mais ne suffisent pas.
H.L.S. : Au-delà du recul des forces syndicales, c’est tout le mouvement ouvrier jusqu’aux groupes autonomes auto-organisés qui a subi un recul de ses forces ; selon toi, quelle pourrait être la cause de ce recul et qu’est-ce qui pourrait l’inverser, en dehors des considérations électorales ?
S.J. : Je distingue deux points. 1. Je crois profondément qu’il y a un appauvrissement de la culture politique. Presque plus personne ne formant les jeunes, ça ne devrait pas s’arranger. Tu me diras que pour ma part je me suis formé tout seul, mais justement je mesure le temps perdu et l’effort fourni. 2. J’ai tendance à penser, mais c’est peut-être une vision biaisée de ma génération, et de mon secteur traumatisé par l’échec de la grève de 2003, que le nerf de la guerre c’est la reconstruction d’une confiance en soi collective. C’est le paradoxe de la démoralisation : Ce qu’il faut ce sont des luttes qui gagnent. Toute victoire sur le front social serait un facteur de re-moralisation. La capacité de mobilisation existe, se renouvelle, mais doit lutter à chaque fois contre des agendas-scénarios inefficaces et le poids psychologique des défaites passées.
H.L.S. : En ce qui concerne la culture politique, nous avons un peu l’impression que, même dans certains milieux de gauche, des mots comme « prolétariat » ou « bourgeoisie » sont presque devenus des mots tabous que certains et certaines assimilent à un vocabulaire ringard poussiéreux et dépassé alors qu’ils servent juste à distinguer les personnes qui ne possèdent ni capitaux productifs ni capital financier pour en acquérir, et qui doivent vendre leur force de travail ou dépendre des allocations sociales pour vivre (les prolétaires), des personnes qui en possèdent (les bourgeois) et qui le plus souvent font travailler les autres en échange d’un salaire. Sans rentrer dans les détails des débats qui agitent le monde militant à ce propos, il nous semble au contraire qu’au-delà et même en tenant compte des nouvelles formes juridiques de salariat imposées par le patronat, cela est tout à fait d’actualité. As-tu remarqué aussi cette tendance a écarter d’un revers de main comme démodés, les mots des revendications sociales et les revendications sociales elles-mêmes ? Quelle est ton analyse à propos de cette tendance à cette ringardisation du militantisme social et de son vocabulaire ? Sommes-nous condamné-e-s à ne plus parler que de monter sa boite et des cours de la bourse sous peine de passer pour des vieux emmerdeurs et des vieilles hystériques passéistes poussiéreux ? Comment sortir de cette impasse ?
S.J. : Attention quand même à ne pas mélanger tout. Pour beaucoup de gens, le vocabulaire de la lutte de classe parle, il correspond à leur réalité. La société bourgeoise nous imprègne de son récit pour dissimuler sa domination, mais ça ne peut pas vraiment marcher pour ceux qui en bavent le plus. Au contraire, je trouve autour de moi des petits cadres, des chefs de rayons en supermarché, des enseignants de la nouvelle génération d’origine un peu plus bourgeoise qui ont développé une conscience de classe empirique. J’ai l’impression que tu fais peut-être trop le lien avec une tendance dans le milieu militant à ne plus faire de la lutte de classe la question centrale, à faire ses petits trucs dans son confort affinitaire, à ne plus être « conquérant », voire à théoriser que de toute façon la classe ouvrière aurait montré son invalidité historique à porter le projet révolutionnaire.
H.L.S. : Comment se comportent l’État et les collectivités locales en tant que employeurs ? Sont-ils réellement plus généreux comme le prétendent les clichés et les rumeurs sur les fonctionnaires ou peuvent-ils comme d’autres le disent, avoir des comportements et des pratiques patronales de négriers qui n’ont rien à envier au secteur privé ?
S.J. : L’État est un patron comme les autres, et bien souvent pire. Tout un tas de droits qu’il y a dans le privé, dans le droit du travail, n’existent pas dans le public, On y trouve des salaires inférieurs au SMIC, les instances paritaires ne sont que consultatives. Etc. La bureaucratie c’est déjà pas terrible, mais s’y est ajouté une importation des pires techniques de management venues du privé. Comme beaucoup de salarié-e-s du public travaillent sur de l’humain (les enfants à l’école, les malades à l’hôpital), ils tentent d’absorber la contradiction aliénante en cherchant toujours à « bien faire » jusqu’au burn-out.
H.L.S : Justement, je crois que n’étais pas encore à la retraite au moment le plus fort de la crise du Covid. Comment était la situation dans l’éducation, et quelle y a été le résultat de la communication paradoxale et contre-productive du gouvernement à propos du Covid ? Il y a-t-il eu des formes d’organisation et de solidarité mutuelles organisées depuis la base « sur le terrain » ? Que peux-tu nous dire à ce propos et sur la situation dans l’éducation en général ?
S.J. : J’étais dans le 1er degré. On partait d’une situation déjà très dégradée, en termes de moyens (Sarkozy ayant rongé l’éduc jusqu’à l’os), et de caporalisation des personnels. Les collègues se sont retrouvés à changer sans cesse de protocole, sans masques, sans aérateurs. Il y a même eu un moment où il ne fallait pas dire que la maîtresse était absente parce qu’elle avait le Covid. D’autres où quand la classe fermait, la collègue devait rester dans sa classe vide où elle n’avait pas d’ordi pour faire télétravailler ses élèves. Tout l’absurde et le mépris des personnels dont est capable l’administration. Il fallait tout organiser nous mêmes, dans l’ensemble les familles étaient très coopératives mais on n’était jamais à l’abri de tomber sur un anti-masque qui nous envoyait chier. La priorité de vaccination a été un leurre, ça s’est conclu par deux ou trois jours avant le reste de la population. Il y a eu une véritable hécatombe dans les écoles, tout particulièrement en maternelle : enseignant-e-s, ATSEM, personnel de ménage et de cantine, tout le monde l’attrapait. Tout ça a été très difficile et épuisant et le syndicalisme n’a pas été à la hauteur, c’est clair. Il a fallu que la colère atteigne des sommets pour qu’une intersyndicale lance la grève du 13 janvier 2022 qui a été très suivie.
La situation dans l’école est très préoccupante. On n’arrive plus à recruter, de plus en plus de collègues démissionnent et ceux qui restent sont de moins en moins épanouis au travail, alors que ça pourrait être un métier tellement formidable. Les moyens de l’éducation prioritaire sont menacés pour les disperser vers des populations électoralement plus intéressantes pour le pouvoir, et certains candidats à l’élection présidentielle ont même remis en cause le collège unique. Le risque de fichage et de tri social des élèves est important. L’arbitraire dans la gestion des personnels s’est développé.